Pour celleux d’entre nous, nombreux, trop nombreux, qui n’avaient jamais ou que vaguement entendu parler de la guerre civile au Sri Lanka se prendront toute la cynique violence de la chose en pleine gueule à la lecture de cet incroyable roman.
Maali Almeida était, selon ses propres mots, un « photographe, joueur, salope », dans le Colombo de la fin des années 80. Un jour, il se réveille dans une salle d’attente un peu spéciale, où tout un tas de gens estropiés attendent que les « Assistants » s’occupent d’eux. Parce qu’en fait, Maali est mort. Probablement assassiné. Et sûrement à cause des photos cachées sous le lit de la cuisinière de sa mère, photos qui montrent entre autres les horreurs perpétrées par les Escadrons de la mort du gouvernement. A partir de là, il n’a que sept lunes, soit sept jours, pour découvrir ses assassins et aider ses amis encore en vie à récupérer les photos pour les exposer à la face du monde. Ensuite, il devra nager vers la lumière ou rester coincer à jamais dans cet Entre-Deux peuplé d’esprits vengeurs et de démons…
Entre roman fantastique, récit historico-politique et pamphlet pacifique, Les sept lunes de Maali Almeida est cependant loin du tragique que le laisserait supposé son thème. Au contraire, on rit à chaque page tant l’écriture déborde d’un humour aux cinquante nuances de noir, et la loufoquerie de ses personnages offre un contrepoids salutaire aux descriptions abominables des charniers, tortures et tueries de masse. On se coule très vite dans cette histoire, malgré l’usage narratif du « tu » (dont on comprend la signification à la toute fin) et la présence toute naturelle d’êtres extra-lucides, de fantômes, esprits maléfiques et autres monstres, qui donnent un aperçu des croyances et mythes de cette partie du monde.
Un roman puissant, à lire et à faire lire sans retenue.
Récipiendaire du Booker Prize 2022.